LA VENETIE

 

 

Le troisième jour, après une matinée libre mais active, consacrée au gré de chacun aux visites et promenades par musées rues et canaux, nous quittons à regret Venise et la lagune pour aller, sur la terre ferme, à la découverte de la Vénétie.

Fil conducteur : -Palladio et la nouvelle architecture des villas et autres monuments,

                         -Les sites remarquables : Vicence, Vérone et le lac de Garde, Padoue.

 

-PALLADIO, de son vrai nom Andrea di Pietro della Gondola, est né à Padoue en 1508.

Il est tailleur de pierre lorsque le Comte Trissino le charge, à 30 ans, d’ajouter une loggia à sa villa près de Vicence. Il en est tellement content qu’il le fait connaître, sous le nom de Palladio –qui évoque Pallas, la déesse grecque de la Raison- aux jeunes nobles vénitiens qu’il réunit fréquemment chez lui.

Au milieu de ce cénacle éclairé, comme au cours de ses voyages dans les villes d’art italiennes, il peut parfaire son instruction et s’initier aux ouvrages théoriques des grands architectes.

Cependant, malgré qu’il soit l’auteur de l’important traité sur l’architecture « i quattro libbri dell’architettura » publié en 1570, largement diffusé et qui influence plusieurs générations d’architectes, il reste toujours maître d’œuvre plutôt que doctrinaire, préférant le savoir faire pratique à l’érudition.

De même, plutôt que d’inventer un nouveau style, il se plie aux conditions de la vie à la campagne et aux besoins des nouveaux propriétaires, en mettant à portée de main leurs instruments agricoles, en construisant à peu de frais leurs résidences, sans répugner à la brique et au stuc pour respecter leur propension à l’économie, tout en élevant des édifices aussi beaux que leurs palais de Venise.

Palladio crée donc pour ces nouveaux gentilshommes campagnards des maisons qui sont à la fois des villas de plaisance et des fermes de rapport pour qu’ils puissent jouir de la villégiature sans quitter des yeux les travaux des champs.

 

 

L’échantillon le plus accompli de la villa ferme est la villa Barbaro, à Maser près d’Asolo.

 

A mi hauteur sur le flanc d’une colline, au milieu des champs et des vergers qui l’entourent,

 sans murailles de protection, cette villa s’immerge dans la nature, fusionne

 l’humain et le végétal, réconcilie le loisir et le labeur.

 

Le corps principal de la villa est flanqué de deux portiques aux arcades régulières qui servent à abriter les charrettes, le bétail, le fourrage, le matériel agricole. Cette architecture largement ouverte sur le dehors, où le vide des arcades l’emporte sur le plein des murs, est rendue possible par la paix de ces campagnes, à cette époque miraculeusement préservées des guerres et des invasions.

 

Le contraste est très fort avec les châteaux français de la Renaissance défendus par des tours, des créneaux, des remparts, des douves, des ponts-levis, et avec l’architecture austère des monuments de Florence et des villes toscanes qui ressemblent à des citadelles. A ce style militaire de toutes les demeures bâties en Europe loin des villes s’oppose le style pictural, unique, des villas de Palladio et leurs paisibles alignements de colonnes qui cachent à la perfection leur plan strictement géométrique.

 

C’est tout cela qu’explique la guide à notre groupe attentif, sous le

 regard de notre accompagnateur et la protection du lion de Saint Marc.

 

La villa Almerigo Capra, dite la Rotonda est considérée comme le joyau de l’architecture de Palladio. C’est un bâtiment à plan central, surmonté d’un dôme et précédé sur chacun des quatre côtés d’un portique auquel mène un escalier majestueux.

 

Située au sommet d’une colline et dépourvue d’annexes utilitaires, la Rotonda n’a jamais eu

 de fonction rurale. Elle a été commandée par un ecclésiastique à la retraite

 pour y donner des réceptions et non pour exploiter des terres.

 

La villa Foscari, dite La Malcontenta, dont la façade donne sur le canal de la Brenta, est significative. Elle marque l’importance des escaliers d’apparat extérieurs qui mènent à l’étage noble occupé par les propriétaires. Pour Palladio les escaliers intérieurs, purement utilitaires, sont dissimulés.

 

Le long du canal de la Brenta, on découvre de nombreuses demeures de campagne de l’ancienne noblesse vénitienne. La villa Pisani, dite Nazionale, à Stra, s’en distingue : c’est un véritable palais ducal de 114 pièces avec parc, nombreux bâtiments, labyrinthe, sculptures, réalisé d’après un dessin de Palladio.

 

Le château villa Da Porto Colleoni est un édifice gothique d’architecture civile qui offre un bel exemple de demeure vénitienne du 15ème siècle, avec son entrepôt au rez-de-chaussée (magazzino), sa façade symétrique, ses hautes percées en ogive.

 

La beauté de la décoration intérieure, qui contraste avec l’élégante sévérité de la façade, valait bien de braver pour une fois l’interdiction de photographier.

 

Les écuries sont magnifiques.

 

Construite deux siècles plus tard que la villa Da Porto Colleoni, en 1688,

voici la villa Valmarana, non loin de Vicence.

 

Le mur qui longe la villa Valmarana est orné de statues de nains, d’où son surnom Villa ai Nani.

 

 

-VICENCE.

 

Nous abordons Vicence par le Monte Berico qui domine la ville, au sud. Des portici, ou arcades, bordent l’avenue qui mène du centre ville à la basilique érigée en haut du mont.

 

Bâtie au 15ème siècle, la Basilique baroque est dédiée à la Vierge qui, lors de la peste de 1426, apparut pour annoncer que Vicence serait épargnée. Elle continue de nos jours à accueillir fidèles et pèlerins.

 

Notre groupe est sur le Monte Berico, en face de la Basilique.

 

Vicence est la ville d’adoption d’Andrea Palladio, bien qu’il soit né à Padoue.

Ce mémorial en son honneur est souvent cerné par les étals du marché qui s’étend de

 la Piazza dei Signori à la Piazza delle Erbe, tout autour du Palazzo della Ragione.

 

La Piazza dei Signori est dominée par l’imposant Palazzo della Ragione, bâtiment du 15ème siècle aussi appelé La Basilica, dont le toit vert, couvert de cuivre, est en réfection lors de notre visite. La loggia qui en fait le tour et les colonnades de soutien du bâtiment central ont été construits par Palladio en 1549.

 

En face, sur cette même place, la Loggia del Capitaniato, dont les arcades

Couvertes ont été dessinées par Palladio, abrite le Conseil Communal de Vicence.

 

Au bout du Palazzo della Ragione, l’élégante Torre di Piazza dresse ses

82 mètres. Elle a été construite au 12ème siècle et surélevée en 1311 et 1344.

 

Le Théâtre Olympique de Vicence est le plus vieux théâtre fermé d’Europe. Il est essentiellement construit en bois et en stuc imitant le marbre, et peint en trompe l’œil. Palladio en fit les plans en 1579. Après sa mort, c’est son élève Vincenzo Scamozzi qui prit la relève. Voici la partie centrale de la grande scène de Scamozzi, peinte en trompe l’œil, qui représente la ville grecque de Thèbes.

 

 

 

-VERONE.

 

Prospère et cosmopolite depuis la colonisation romaine en 89 avant J.C, Vérone est la deuxième ville de la Vénétie après Venise. En plein cœur de la ville sont restés de magnifiques vestiges de l’antiquité, les plus importants après ceux de Rome.

 

L’amphithéâtre, achevé en 30 avant J.C, est le 3ème au monde par sa taille, après le Colisée de Rome, et celui de Capoue. Cette ellipse de 139m sur 110m pouvait accueillir tous les habitants de la cité antique, et actuellement plus de 20.000 spectateurs. On y assistait aux jeux du cirque et aux combats des gladiateurs, puis aux exécutions publiques, et actuellement aux opéras et aux pièces de théâtre.

 

La vie de la cité se déroule de nos jours, comme dans l’antiquité et au moyen âge, autour des arènes et autour du marché de la Piazza delle Erbe, situé sur l’emplacement de l’ancien Forum.

 

Des ruelles aux nombreuses boutiques chic convergent vers cette place,

 bordée de galeries d’art et d’accueillants cafés.

 

En passant au pied de la Torre dei Lamberti (84m), on accède à la Piazza dei Signori. Les Palazzi des Scaligeri l’entourent, reliés par des arcades Renaissance et des colonnades gravées.

Chèrement acquise, au point de leur valoir les surnoms de Mastino (mâtin, ou chien de garde) et Cangrande (grand chien), la domination des Scaligeri commença en 1263 et dura 124 ans.

 

Elle permit de rétablir la paix à Vérone, déchirée par les luttes intestines et les

rivalités entre familles. Les Visconti de Milan succédèrent aux Scaligeri en 1387.

 

Assisté ce 3 octobre 2009 par nos amis Pajani, Dante Allighieri domine depuis 1865 la Piazza dei Signori. Accueilli à la cour des Scaligeri entre 1301 et 1304, lors de son exil de Florence, Dante dédia à Cangrande 1er la dernière partie de son poème La Divina Comedia.

 

Tout près du coin de la place se trouvent les tombes des Scaligeri, gardées par des Saints en armes rappelant leurs exploits guerriers. Encore entourée des échafaudages utilisés pour sa restauration, la tombe à baldaquin de Cangrande 1er est surmontée d’une copie de sa statue equestre de Castelvecchio.

 

Roméo aurait escaladé ce balcon de la Casa di Giulietta, au 207 Via Cappello. La tragédie de Roméo et Juliette, écrite par Luigi Da Porto de Vicence vers 1520, a été à l’origine de nombreux poèmes, films, ballets et pièces de théâtre. La rivalité des Capulet et des Montaigu illustre bien celle des grandes familles véronaises de l’époque précédente. Si Roméo et Juliette sont une légende, les Montecchi et les Cappelletti ont bien existé : ils sont cités par Dante dans le 6ème chant du Purgatoire de la Divine Comédie. Toutes deux gibelines, ces deux familles se vouaient néanmoins une haine mortelle.

 

-Le lac de Garde.

 

Le lac de Garde est le plus grand et le plus beau d’Italie. C’est la principale destination des touristes et visiteurs qui partent en excursion depuis Vérone, des amateurs de sports nautiques et de pêche ou…

 

 simplement de promenade comme nous, qui savons aussi apprécier les bienfaisants

bains de pieds dans les eaux chaudes sulfureuses qui se déversent par endroits dans le lac.

 

Sirmione, sur la péninsule du même nom, est une station balnéaire et un village de pêcheurs, gardé par la Rocca Scaligera, entourée de douves et dotée d’un port intérieur qui abritait la flotte du château et les barques des pêcheurs lors des tempêtes. Ce port était aussi un redoutable piège pour les bateaux ennemis qui auraient eu la malencontreuse idée de s’y aventurer.

 

 

-PADOUE.

 

Padoue est un fleuron de l’art et de l’architecture, connue pour deux monuments merveilleux :

-la chapelle des Scrovegni, au nord de la ville, pour les fresques lyriques de Giotto qui la décorent,

-la Basilique Saint Antoine, un des lieux de pèlerinage les plus populaires d’Italie.

 

-La chapelle des Scrovegni a été élevée en 1303 par Enrico Scrovegni pour sauver l’âme de son défunt père, un usurier, de la damnation éternelle décrite par Dante dans l’Inferno.

Nous l’avons visitée après une décontamination obligatoire effectuée avant la visite, pendant qu’on nous projetait un film explicatif. Les murs de la chapelle sont entièrement recouverts par des fresques de Giotto qui représentent la vie du Christ. Les photos étant évidemment interdites, les fresques présentées ci-dessous ont été trouvées sur le web.

On considère généralement que Giotto est le père de la peinture occidentale : la perspective dans la représentation de l’espace, le naturalisme et la narration dramatique rompent avec la tradition byzantine des dix siècles précédents.

 

Le baptême du Christ par Jean le Baptiste.

 

Jésus chassant les marchands du Temple.

 

Le baiser de Judas.

 

La crucifixion.

 

L’Ascension.

 

-Le centre-ville de Padoue est très animé : la vie estudiantine se mêle à la vie commerçante. Non loin de l’Université, une des plus anciennes et des plus réputées d’Europe, se trouvent les deux marchés, l’un spécialisé dans les fruits et l’autre dans les légumes.

 

La Piazza delle Erbe se trouve devant le Palazzo della Ragione (Palais de la Raison),

Qui était le Palais de Justice au Moyen Age.

 

De l’autre côté de ce palais se trouve la Piazza dei Frutti. La tour du 13ème siècle que

l’on voit à l’arrière est celle des Palazzi Communali, où siège le Conseil Municipal.

 

Enfin la visite de la Basilique Saint Antoine, appelée aussi Il Santo, clôture notre séjour padouan. Sa construction a commencé en 1232, pour accueillir les reliques de Saint Antoine de Padoue, un prêcheur qui avait pris pour modèle Saint François d’Assise. Avec son dôme central conique entouré de sept autres dômes, elle reflète l’influence de l’architecture byzantine, alors que la façade marie gothique et roman. L’intérieur est plus conventionnel. Nous y avons vu les reliques de Saint Antoine qui étaient exposées. Nous nous sommes recueillis devant sa tombe. C’était en quelque sorte notre pèlerinage.

 

 

Notre transfert en car de Padoue à l’aéroport de Venise par un soleil aussi radieux qu’à notre arrivée met fin à ce voyage, parfait sous tous ses aspects : culturel, touristique et résidentiel.

Ainsi, l’accueil a été bon à l’hôtel Belle Arti de Venise, et impeccable à l’hôtel Terme Roma d’Abano Terme près de Padoue, à partir duquel nous avons rayonné pour visiter la Vénétie : excellent logement et excellente table. Nous avons même eu droit à la fête de fin de cure hebdomadaire : souper aux chandelles suivi d’un bal.

A ce bal, une charmante fénelonienne appelle B. à son secours : « Aide moi, ce monsieur me parle en italien, et je ne comprend rien du tout. Qu’est ce qu’il veut ? »

-B. à ce signore : « Che vuole ? »

-Le signore à B. : « Hè !..Un ballo ! »

-B. à la fénelonienne : « Il t’invite à danser. »

-« Oui, bien sûr ! » dit la fénelonienne qui s’envole aussitôt vers la piste avec son cavalier.

Ils n’y sont pas restés seuls : nous les avons suivis sans tarder. Nous avions la bénédiction de Sœur Marie qui, un peu fatiguée, avait rejoint sa chambre.

 

 

 

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