-2010 : La Sicile.

 

- Maryvonne et Bernard nous racontent :

 

"A LA RENCONTRE DU GUEPARD"

 

SICILE   Septembre 2010

      

Trinakria

 

L'ancien nom grec de la Sicile est "Trinakria", Trois pointes. Représentée par son emblème : une tête de Méduse, l'une des trois Gorgones ,sur trois jambes repliées, évoquant  la forme triangulaire de cette île, la plus grande de la Méditerranée.

De par sa position stratégique, en plein cœur de cette mer, la Sicile fut une terre particulièrement convoitée. Envahie successivement par les Phéniciens, les Grecs et les Romains durant l'antiquité, elle connut l'occupation arabe entre 827 et 968 avant de passer aux mains des Normands au XIème siècle puis des Français avec Charles 1er d'Anjou .Menés par Garibaldi les Siciliens luttèrent pour leur rattachement à l'Italie en 1860.

De cette histoire mouvementée subsiste un patrimoine riche de ces différents courants culturels. Vestiges antiques, temples grecs, églises baroques, cathédrales normandes influencées par l'art islamique se côtoient tel un voyage dans le temps et les styles.

La Sicile est aussi une île où l'activité intense de la terre se révèle .Les phénomènes  volcaniques autour de l'Etna, le plus haut volcan d'Europe, confèrent à la région un aspect mystérieux. Les paysages se font grandioses quand la force des montagnes rencontre la douceur des flots de la mer. Au fil des siècles la Sicile s'est dotée ainsi d'une identité culturelle bien particulière. Comme l'écrit Dominique Fernandez << La Sicile est non seulement une île géographique mais un monolithe historique et culturel complètement détaché de la péninsule, une nation à part avec ses agaves, ses mafiosi, ses mœurs et ses lois dont la première est de savoir tenir  sa langue>>.

Loi bien transgressée dans notre sympathique petit groupe durant cette semaine de voyage du 20 au 27 Septembre.

 

Lundi 20         

Plaisir d'être accueillis à Roissy par Robert Lesne notre fidèle accompagnateur Arts et Vie. Retrouvailles joyeuses, envol pour Catane. Accueil  par notre guide Tiziana, une palermitaine imprégnée de culture française, amoureuse de Paris où elle fit ses études. Elle se révèlera dans bien des domaines un guide passionnant, maniant notre langue avec brio. Route pour Acireale et installation à l'hôtel.

 

Mardi 21     Etna et Taormina

 

En file indienne sur l’Etna.

 

Temps clair et ensoleillé pour l'excursion à l'Etna ,le plus grand volcan d'Europe (3340m. au sommet, 250kms de périmètre) ,toujours actif ,ses dernières éruptions datent de 2004 et 2008.Ascension en car, télécabine et minibus  jusqu'à 2900m. puis marche pour suivre un guide du volcan (interdiction de s'aventurer seul).

 

Avec Marie.

 

Là haut paysage lunaire, vent fort et froid, des fumerolles, sol noir poussiéreux fait de scories et de roches coupantes, odeur de soufre. La ballade au sommet est fatigante.

 

Taormine, la mer depuis le théâtre.

 

 Après le réconfort du déjeuner, visite de Taormina. Son théâtre grec fut taillé dans le roc vers 340 av JC puis modifié par les romains .Il est admirablement situé sur une colline face à un paysage grandiose: la mer et l'Etna.

 

Venelle à Taormine.

 

 Puis flânerie dans la vieille ville médiévale aux étroites ruelles de part et d'autre de la rue principale avec ses balcons fleuris. Palmiers, lauriers-roses, beau ciel bleu ,le site est enchanteur mais submergé par l'afflux des touristes.

 

La charette traditionnelle.

 

Mercredi 22   Noto et Syracuse  

 

Noto, la cathédrale Saint Nicolas.

 

Noto est la cité emblématique du baroque sicilien. Tout est ordonné autour du Corso Vittorio Emanuel III, on ne compte pas moins de 20 églises et 10 palais bâtis  dans un beau calcaire doré. La cathédrale est inspirée de Mansart.

 

L’infiorata.

 

Dans une des rues très escarpée la via Corrado Nicolaci se déroule chaque année ,en Mai, l'Infiorata. La rue est recouverte d'un tapis de pétales de fleurs aux motifs rares.

 

Le Palazzo Nicolaci di Villadorata.

 

Palazzo Ducezio, la Mairie.

 

 Dans cette rue un édifice attire le regard : le Palazzo Nicolaci di Villadorata avec ses 6 balcons ventrus ornés de figures grotesques, de lions, sirènes ailées, angelots. On quitte Noto sous le charme. Route pour  Syracuse. Arrivée sur la presqu'île d'Ortygie, il fait encore beau mais ensuite quel déluge!!

 

La fontaine d’Arethuse.

 

Visite sous les parapluies, au pas de charge, de la fontaine d'Arethuse: une source d'eau douce à quelques mètres de la mer où poussent des papyrus. La légende raconte qu'une nymphette pour échapper aux ardeurs du fleuve Alphé  fut transformée en source dans l'île d'Ortygie. Alphée épris traversa la mer et la rejoignit pour mêler ses eaux aux siennes.

 

Le Duomo, Cathédrale Sainte Marie.

 

On poursuit par la visite du Duomo à la façade baroque  et massive mais à l'intérieur exceptionnel.

 

Cathédrale édifiée dans un temple dorique.

 

 L'église fut édifiée directement dans un temple dorique dédié à Athéna grâce au butin ramassé lors de la victoire des syracusains sur les carthaginois en 480 av JC . Ses colonnes sont là, encastrées dans les murs de chaque côté de la nef. Passage rapide à la chapelle Ste Lucie, patronne de Syracuse. Il pleut, il pleut. Certains renoncent à se rendre au parc archéologique.

 

Le Théâtre grec.

 

Un petit groupe de téméraires affrontent les éléments déchaînés après achats d'imperméables en plastique pour arriver en pataugeant jusqu'au théâtre grec le plus vaste de la Sicile (131m. de diamètre), pouvant accueillir 15000 spectateurs. Euripide et  Eschyle y firent jouer leurs pièces.

 

L’amphithéatre romain.

 

 L'amphithéâtre romain conserve une certaine unité avec ses gradins envahis d'herbes folles.

 

Dans les Latomies.

 

Nous poursuivons, sous la pluie battante, vers les Latomies. Ces anciennes carrières fournissaient  les matériaux pour la construction des temples.

 

L’Oreille de Denis.

 

La plus connue a été surnommée "l'Oreille de Denys" en raison de sa forme mais aussi de son acoustique qui permettait au tyran Denys d'écouter, du haut de celle-ci, les discussions des prisonniers qui y travaillaient. Hélas, impossible d'y pénétrer car il y a bien 30cms d'eau à l'entrée. Il faut écourter notre visite de la cité du génial    Archimède. Que d'eau !"Eureka", j'ai trouvé : nous aurions dû nous abstenir ce matin dans le car de chanter et rechanter << J'aimerais tant voir Syracuse......>>!

 Jeudi  23   Caltagirone et Agrigente

Le temps s'est remis mais déception : impossible de visiter Piazza Amerina et la villa romaine de Casale ,ses mosaïques du IIIème siècle dont la plus célèbre est la chambre des jeunes filles en bikini. Le site est en rénovation.

 

Caltagirone-céramiques, Maurizio Romano.

 

 Nous faisons route vers Caltagirone ,appelée capitale de la céramique. Cette petite ville très escarpée, ancienne forteresse arabe, étage ses ruelles où fleurissent des ateliers de majolique, et ce depuis le Moyen Age . Au XVIème siècle la tradition des crèches en font un grand centre de fabrication des "pasturi".

 

La scala de Santa Maria del Monte.

 

Nous ne verrons pas la crèche mais la scala de Santa Maria del Monte, un impressionnant escalier de 142 marches reliant la ville basse et la ville haute, le pouvoir civil au pouvoir religieux. Chaque contremarche est décoré de carreaux de majolique inspirés de motifs anciens. Déjeuner  sympathique au restaurant San Michel. Route vers Agrigente et ballade dans la vieille ville. Guidés par Tiziana nous découvrons l'église San Lorenzo dite aussi du Purgatoire, stucs de style baroque, coupole en trompe l'œil ,puis le beau palais communal aménagé dans un ancien couvent dominicain du XVIIIème siècle.

 

Le Théâtre Pirandello.

 

A l'intérieur ,le très joli théâtre Pirandello (1881) où fut joué pour la 1ère fois la pièce << Six  personnages en quête d'auteur>>.Agrigente est la ville natale de Pirandello. En fin d'après-midi, installation  dans le très bel hôtel Dei Templi  au pied de la vallée des temples.

 

Les temples de nuit.

 

 La vision des temples au coucher du soleil est splendide. Nous  terminons la journée par la visite nocturne des temples illuminés. Instants magiques

.

Vendredi 24   La Vallée des temples

"La plus belle ville des mortels"  c'est en ces termes que Pindare célébrait la douceur  de vivre à Akragas, l'actuelle Agrigente . De cette renommée il ne reste que la colline inspirée où se dressent entre oliviers et amandiers les colonnes doriques des monuments de la vallée des temples dédiés aux dieux et aux héros.

 

Arcosolium, tombeau.

 

Temple de la Concorde.

 

 Temple de Junon-Hera- vestiges du mur d'enceinte naturel et Arcosolium (tombeau en forme d'arc nécropole paléochrétienne), temple de la Concorde (superbe temple dorique de la 2ème moitié du Vème siècle av JC, même époque que le Parthénon), le mieux préservé car choisi par l'évêque pour en faire une cathédrale au VIème siècle après J.C. Par l'élégance de ses proportions il est classique par excellence. Temple d'Hercule, le plus ancien, temple de Jupiter olympien bâti pour glorifier la victoire sur les carthaginois à Himère et détruit par un tremblement de terre. Une copie d'Atlante (il y en avait 38 à l'origine) figure au sol. Le temps est avec nous, la lumière belle.

 

Télamon (temple de Zeus).

 

 Nous achevons ce beau circuit par la visite du musée archéologique .Musée moderne présentant avec goût ,sculptures, remarquables poteries et l'un des Télamons originaux du temple de Zeus - 7m65,il formait une partie des colonnes qui mesuraient probablement 20m de haut. Puis route pour Palerme et installation au Crystal Palace peu accueillant et ne méritant pas son appellation. Ville hétéroclite, bruyante, sale, circulation aventureuse. Notre ballade est vite  compromise par la pluie qui tombe à seaux  .Les vendeurs de parapluies à la sauvette font leurs affaires .Nos chaussures auront grand mal à sécher.

 

Samedi 25   Monreale-Palerme

A 10kms de Palerme nous découvrons l'abbaye de Monreale. Puissante  cathédrale normande fondée en 1172 par Guillaume II, elle porte au pinacle l'art arabo normand.

 

Monreale-Christ Pantocrator.

 

 L'intérieur est tapissé de 6340m2 de mosaïques qui racontent, à la manière d'une BD, les scènes de l'ancien  et du nouveau testament. Plus intime est le cloître bénédictin à doubles colonnettes géminées. Une sur deux est ornée de mosaïques aux motifs toujours différents. Les chapiteaux sont sculptés en toute liberté d'où un merveilleux désordre: évangéliste, oiseau, acrobate, dragon.

 

Vasque dans le cloître.

 

 L'élément le plus poétique est une vasque alimentée en eau et qui forme, à elle seule, un petit cloître dans le grand .Le lieu est enchanteur. Retour sur Palerme où nous allons suivre durant quelques heures l'épopée médiévale des Chevaliers normands. Sous leur gouvernance la cour de Palerme devint au XIIème siècle la plus prestigieuse des pays méditerranéens. Dans la ville aux 300 mosquées, cathédrales et églises surgissent de style roman mais à l'ornementation intérieure profondément inspirée par les arts arabe et byzantin.

 

Chapelle Palatine, coupole en stalactite.

Détail de la coupole.

 

 Le << bijou  sous un ciel d'or>> ( Maupassant ) est incontestablement la chapelle Palatine commencée sous Roger II en 1132 .Elle a traversé les siècles sans transformation. Plafond arabe à caissons ,voutes en stalactites, somptueuses mosaïques byzantines dont le célèbre Christ Pantocrator.

 

Eglise de la Martorana.

 

 On retrouve ce Christ dans la Martorana dont les mosaïques byzantines sont les plus anciennes de Sicile, on y voit le roi Roger couronné par le Christ.

 

Saint Jean des Ermites.

 

St Jean des Ermites ,charmante petite église romane coiffée de cinq dômes arabes rouges avec un petit cloître enfoui dans une végétation luxuriante, contraste par sa simplicité, véritable oasis dans cette ville si bruyante ,si hétéroclite. En cette fin de journée, sur ce Palerme historique sa splendeur passée, ses palais endormis nous jetons, un instant, le même regard nostalgique que le prince du Guépard.

 

Notre groupe.

 

Dimanche 26 Septembre     Erice-Segeste

Route pour le pittoresque village médiéval d'Erice perché sur un piton rocheux à 751m. d'altitude face à la baie de Trapani. Il fait très beau. Les touristes affluent.

 

Vue du golfe de Bonagra.

 

 Nous découvrons librement cette ancienne cité avec ses murailles puniques, ses venelles, ses petites places pavées de galets polis ainsi que l'église Matrice ( XIVème s.),vues magnifiques sur l'arrière pays de Trapani, les marais salants  et le golfe de Bonagra.

 

Les petits fours.

Maria Grammatico.

 

 Arrêt gourmand conseillé par Tiziana à la pâtisserie " Maria Grammatico " réputée pour ses petits fours aux amandes.

 

Au Baglio.

 

 Pause déjeuner au restaurant Baglio  en pleine campagne mais fort connu où nous partagerons les chants d'un groupe d'italiens. L'après-midi, visite du merveilleux site de Segeste. La cité fut fondée par les Elymes, des émigrés troyens, 600 ans av JC.

 

Le temple dorique.

Temple inachevé.

 

 Le temple dorique (Vème s. av JC) isolé s'insère avec élégance dans un paysage de collines face à un immense horizon. En beau calcaire patiné ce temple (6 colonnes en façade, 14 sur les côtés) d’une parfaite harmonie de proportions ne fut sans doute jamais achevé. A 1km5, le théâtre antique creusé sur le Monte Barbaro offre une admirable vue sur la vallée et le golfe de Castellamare. Ses gradins taillés dans le calcaire pouvaient accueillir 4000 personnes. Au soleil couchant nous jetons un dernier regard ému sur ce site qui dans la solitude grandiose de la montagne a gardé durant 24 siècles le temple grec le plus parfait après le Parthénon.

 

Lundi 28 Septembre     Le retour via l'aéroport de Palerme

 

En mémoire du juge Falcone.

 

Durant ce trajet nous passons devant le monument érigé à la mémoire des juges Falcone puis Borselino tués par l'explosion  de leur voiture .A cet endroit l'autoroute avait été minée. Impossible de quitter la Sicile sans évoquer la Mafia, son rôle dans les coulisses du pouvoir, son contrôle du territoire. A Palerme, nous dit Tiziana,90 % des entreprises et commerces sont  soumis au racket  ( le pizzo, l'enveloppe prélevée par la Mafia )  à commencer par le marchand de parapluies à la sauvette. Des associations anti-racket voient le jour mais là encore il faut briser la loi du silence pour s'attaquer aux racines du mal et à cette" pieuvre " qui fait plutôt penser au " Phénix "toujours capable de renaître de ses cendres. Les siciliens fatalistes se reconnaissent dans la célèbre phrase du Guépard : << Tout changer pour que rien ne bouge >>

Ainsi s'achève notre voyage  à la découverte des très riches vestiges du faste passé sicilien, des beautés naturelles de cette île à l'identité bien particulière.

 

 

 

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